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Régis Gagnon – L’art culinaire au service des saltimbanques

6 novembre 2014 | Frédérick Masson

Régis Gagnon – L’art culinaire au service des saltimbanques

Imaginez ce qui suit : vous rencontrez la femme de votre vie au Mexique, vous lui demandez sa main à Amsterdam, le mariage est célébré à Lévis et le premier enfant né de cette union voit le jour à Vancouver ! Surréaliste ? Pas lorsque vous travaillez pour le Cirque du Soleil.



Le parcours professionnel de Régis Gagnon n’a rien d’orthodoxe. Diplômé du programme Cuisine professionnelle d’établissement du Centre de formation professionnelle de Montmagny, le Lévisien se voit offrir un stage d’un mois au pays de la tour Eiffel afin de perfectionner une technique qu’il affectionne particulièrement, celle propre à la cuisine française. Ce n’est finalement que trois années plus tard que le principal intéressé rentrera au pays, fort d’une maîtrise quasi parfaite des trois ingrédients vedettes de la région de l’Auvergne : le beurre, le beurre… et le beurre. « Avec parfois un peu de crème », précise-t-il dans un éclat de rire.



Les deux premières années du nouveau millénaire, l’homme, qui approche alors la mi-vingtaine, les passera dans différents hôtels de Québec, étant notamment de l’ouverture officielle du Royal Palace. Jusqu’au jour où un quotidien de la capitale publie une offre d’emploi qui attire son attention. Répondant au défi lancé par un ami, il envoie son curriculum vitæ sans attente aucune. Quelques semaines plus tard, il prenait la route avec la troupe de Varekaï du Cirque du Soleil.




« Trancher du melon dans les plus grandes villes d’Amérique du Nord, dont New York, Chicago ou Los Angeles, c’est quand même sympathique. »






Régis Gagnon, sa femme Gabriela Olivares et leur fille Malèna.



« J’avais 25 ans, je n’avais aucune attache et j’adorais voyager. Je me souviens que le poste en était un d'apprenti cuisinier, ce qui consistait principalement à couper des fruits et des légumes. Mais trancher du melon dans les plus grandes villes d’Amérique du Nord, dont New York, Chicago ou Los Angeles, c’est quand même sympathique », ajoute-t-il.



L’année suivante, il rejoint la caravane du spectacle Dralion, laquelle s’apprête, après un séjour au Mexique, à sillonner le continent européen. C’est d’ailleurs pendant ce passage au sud de l’équateur qu’il rencontrera celle qui fera chavirer son cœur. Une spectatrice qui allait plus tard le retrouver en Europe, et à qui il passera l’anneau au doigt pendant que l’hiver 2005 sévit sur le Québec.



Maintenant marié, Régis Gagnon sent le besoin d’offrir à son couple un peu de stabilité. Il quitte le cirque et s’installe à Montréal, où il sera successivement chef cuisinier privé attitré à la résidence personnelle de son ancien patron et père du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, puis chef au Collège Marianopolis.



Sept années s’écouleront avant que le passionné de sports n’accepte d’assister à un spectacle sous un grand chapiteau jaune et bleu, sachant bien le risque qu’il encourait d’attraper à nouveau la piqûre. Mais en mars 2012, la tournée Amaluna débarque dans le Vieux-Port de Montréal.



« Le spectacle était exceptionnel et dès les premiers instants, j’ai eu un frisson. Au retour à la maison, j’ai reçu un courriel provenant d’une liste d’envoi m’indiquant que le cirque était à la recherche d’un cuisinier pour cette tournée. J’ai vu ça comme un signe et j’ai foncé », explique-t-il. Quelques semaines plus tard, lui et sa femme Gabriela Olivares, alors enceinte de deux mois, faisaient leurs valises.



Un rêve qui apporte son lot de sacrifices



D’aucuns vous le diront, la vie de cuisinier de saltimbanques est remplie de défis. Cent vingt-huit artistes, techniciens et manœuvres de 16 nationalités font partie de l’aventure, autant d’appétits à satisfaire en tenant compte des goûts de chacun. Un soir de grec, un soir d’allemand, un soir de coréen et de temps en temps, un repas traditionnel québécois.



Toutefois, le quotidien de celui qui est maintenant gérant de cuisine et qui supervise le travail d’une équipe de trois chefs n’est pas toujours de tout repos. Sa femme, qui jouit maintenant de la citoyenneté canadienne et à qui il voue une admiration sans bornes, a mis en veilleuse sa carrière professionnelle afin de jouer son rôle de mère à temps plein. Sa fille Malèna, âgée de 17 mois, a déjà vécu une dizaine de déménagements et grandit entourée de trapézistes et de jongleurs. Ses parents, Doris et Léon, sont contraints de voir leur petite-fille s’épanouir via Skype et Facebook, puisque les séjours au Québec se limitent à une dizaine de jours par année.



« Je suis sincèrement choyé d’être entouré de personnes si compréhensives, confie-t-il. Chaque jour, elles contribuent à la réalisation de mon rêve tout en faisant des sacrifices énormes. Je leur en serai éternellement reconnaissant. »



Tous peuvent toutefois se rassurer, septembre 2018 devrait marquer la fin de l’aventure. C’est que la jeune Malèna, qui sera alors âgée de cinq ans, fera son entrée à l’école. Elle parlera le français, l’anglais, l’espagnol, et aura toujours la bénédiction de son paternel si elle exprime un jour, elle aussi, le désir de parcourir les plus beaux endroits de la planète à l’abri d’un chapiteau. Mais d’ici là, plusieurs représentations sont au calendrier de Régis Gagnon… Tant sur les scènes des quatre coins du monde que dans les cuisines.



 



 



 



 


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