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Quand notre grande bibliothèque était rue Saint-Stanislas

10 septembre 2014 | Jean-Marie Lebel, historien

Quand notre grande bibliothèque était rue Saint-Stanislas

En quelques décennies, nos bibliothèques publiques ont bien changé. De lieux sombres et austères qu’elles étaient, elles sont devenues des espaces conviviaux et lumineux. Remontons dans le temps, rendons-nous il y a un demi-siècle à peine pour visiter ce qui était alors notre bibliothèque publique de Québec. C’était un autre monde.



Dans la salle de lecture de notre enfance



Observons la plus grande des photographies de cette chronique. Elle semble dater d’un âge fort lointain. Et pourtant, elle illustre la salle de lecture de notre grande bibliothèque publique de Québec telle qu’elle était dans les années 1950 et 1960. Pour plusieurs de nos lecteurs, ce fut la bibliothèque de leur enfance. Des gens de Québec se souviennentencore des odeurs de vieux papier, du cuir des reliures et de la cire à plancher qui y régnaient.





Marc-Aurèle Plamondon, président-fondateur de l’Institut Canadien.



On aperçoit les grandes armoires aux portes vitrées derrière lesquelles étaient soigneusement rangés les livres, tels des objets précieux (« On ne jette jamais un livre ! » répétait-on). On aperçoit aussi, surplombant les armoires, les bustes de plâtre de grands auteurs des siècles et des millénaires passés. Ils devaient inspirer les jeunes lecteurs, mais les intimidaient davantage.



Comme le soulignait le journaliste Damase Potvin, il y avait encore des livres dans la bibliothèque qui avaient été endommagés par un incendie en 1881. Des gens ont souvenir d’avoir feuilleté avec respect de lourdes encyclopédies illustrées en noir et blanc qui semblaient contenir toutes les connaissances de l’univers (c’était avant Internet). Les romans de Jules Verne nous faisaient voyager sur les mers et les aventures de Tintin nous amenaient sur la lune. On était devenu une grande personne lorsque l’on pouvait s’approcher des intimidants tiroirs renfermant de vieux fichiers de bois, dont certains dataient de 1911, et qui contenaient des milliers de fiches en gros carton, consignant les cotes dactylographiées des livres, parfois corrigées à la plume. On n'avait le droit d’emprunter qu’un nombre bien restreint de livres à la fois. Et la bibliothécaire, vous jetant un coup d’œil, s’assurait que les livres convenaient bien à votre âge.





Le vieux temple Wesley qui devint l’édifice de l’Institut Canadien, rue Saint-Stanislas.



Dans les années 1950, c’était encore la vieille mademoiselle Herminie Lemieux qui voyait à l’emprunt et au retour des livres. Et elle pouvait se vanter que c’était nul autre que son grand-père, Marc-Aurèle Plamondon, qui avait fondé l’Institut Canadien de Québec en 1848 et avait confié sa bibliothèque publique à Octave Crémazie. Et, depuis cette lointaine époque, l’Institut Canadien voyait à la gestion d’une bibliothèque publique à Québec. Encore de nos jours, en 2014, les bibliothèques publiques de Québec sont sous la direction de l’Institut Canadien, un organisme à but non lucratif.



Dans le vieux temple Wesley



Revenons à notre vieille salle de lecture. Elle était située au rez-de-chaussée de l’édifice de l’Institut Canadien. C’est ainsi que l’on appelle encore aujourd’hui cet édifice situé dans le Vieux-Québec, tout en haut de la rue Saint-Stanislas, à l’angle de la rue Dauphine. La salle de lecture occupait ce qui avait été jadis une salle de classe pour les enfants de la Sunday School de l’Église méthodiste à Québec. D’ailleurs, l’extérieur de l’édifice a conservé ses allures de temple religieux protestant. On l’appela longtemps le temple Wesley, à la mémoire du révérend John Wesley, fondateur de l’Église méthodiste en Angleterre. L’édifice néogothique fut érigé en 1848 selon les plans d’Harry Staveley.



Les méthodistes de Québec utilisèrent leur temple Wesley jusqu’en 1931. Cette année-là, ils l’abandonnèrent car, devenus des membres de l’Église Unie du Canada, ils se joignirent aux fidèles de l’église Chalmers de la rue Saint-Ursule, qui devint ainsi l’église Chalmers-Wesley. Le vieux temple Wesley fut alors plusieurs années à l’abandon. Mais l’édifice demeurait cher au cœur du sénateur Lorne C. Webster, riche marchand de charbon de Québec, qui l’avait fréquenté depuis son enfance et qui voulait le préserver. En 1941, peu de temps avant sa mort, il fit un don important qui permit à la Ville de Québec d’acquérir le vieux temple pour y loger l’Institut Canadien. La nef devint une salle de conférences et le rez-de-chaussée fut aménagé pour loger, à compter de 1944, la salle de lecture de la bibliothèque publique de Québec. Et celle-ci fut appréciée dans les années 1950 et 1960.



À la recherche d’un nouveau temple



Bien entendu, lorsqu’arrivèrent les années 1970, la vieille salle de lecture de l’Institut Canadien semblait bien vieillotte et ne correspondait plus aux besoins d’une ville moderne. Elle fut complètement réaménagée en 1972. Mais le directeur général de l’Institut Canadien, Rolland Nadeau, voulait mieux. La bibliothèque centrale de Québec devait quitter ce rez-de-chaussée et s’installer dans un nouvel édifice. C’est sous la direction de son successeur, Philippe Sauvageau, que la bibliothèque centrale de Québec pourra s’installer en 1983 dans un vaste édifice du quartier Saint-Roch, devenant en 1985 la bibliothèque Gabrielle-Roy.



Place à la Maison de la littérature



Le vieil édifice de l’Institut Canadien de la rue Saint-Stanislas  revivra. Des amateurs de bons livres le savent déjà et ils ont bien hâte d’y rencontrer leurs auteurs préférés. En effet, l’un des grands événements culturels à Québec à l’automne 2015 sera sans aucun doute l’inauguration de la Maison de la littérature, sous la direction de l’Institut Canadien. Pour réaliser cette maison, de grands travaux ont présentement lieu.



Alors que les murs extérieurs de l’édifice, datant du temps du temple Wesley, sont conservés, l’intérieur sera complètement refait. Une bibliothèque y sera consacrée à la littérature québécoise et à la ville de Québec. Un lieu d’exposition mettra en valeur des auteurs et leurs œuvres. Un café-rencontre réunira les amateurs de littérature. Certes, notre vieille salle de lecture semblera bien loin, toutefois, l’édifice conservera sa précieuse vocation : être un temple pour les livres, leurs auteurs et leurs lecteurs.



Source des illustrations : Les cents ans de l’Institut Canadien de Québec, Québec, 1950.



 



 



 



 



 



 



 



 



 



 


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