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Perspectives économiques 2014 – Quand économie et courage politique doivent aller de pair

3 février 2014 | Donald Charette

Perspectives économiques 2014  –  Quand économie et courage politique doivent aller de pair

Deux experts en économie établissent leur pronostic pour la prochaine année.



 Entretien avec Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef chez Industrielle Alliance.





Que voyez-vous dans votre boule de cristal en 2014 au niveau international ?



Je n'ai pas de boule de cristal et, parfois, il y a un peu de buée dans une boule de cristal, mais ce qu'on voit, c'est une reprise synchronisée en Europe, au Japon, et surtout aux États-Unis, où la locomotive s'accélère. La croissance dans le monde devrait être autour de 3,5 % comparativement à 2,8 % cette année.



Et au Canada ?



Le Canada a bien fait lors de la crise de 2008 et était sur la première marche du podium, avec une dette faible et un budget balancé. Pendant 10 ans, on a fait l'écureuil. Nos banques sont bien capitalisées et on n'a pas fait de « niaiseries », je dirais. La croissance du PIB devrait se situer entre 2 et 2,5 %, soit plus que le 1,7 % de 2013. On ne participera pas autant à la croissance mondiale, en raison du niveau d'endettement des ménages, et il y aura un atterrissage en douceur dans le secteur immobilier.



Le dollar canadien est en baisse. C'est une bonne affaire ?



On s'éloigne de la parité avec le dollar américain, qui s'est manifestée quand l'économie américaine allait mal. L'intérêt pour le dollar américain a augmenté. Notre dollar est surévalué, mais, à 90-92 cents, il est dans une fourchette raisonnable et ça va aider les exportations.



Que se passera-t-il au Québec ?



En 2013, il n'y a pas eu de création d'emplois au Québec de décembre à décembre, à toutes fins utiles. Par ailleurs, la croissance économique n'était pas au rendez-vous. En 2014, nous serons sous la moyenne canadienne en ce qui a trait à la croissance, sous la barre du 2 %. Il y a une décélération dans le secteur de l'habitation et le Québec ne peut miser sur la locomotive des ressources naturelles. Le marché de l'habitation est en train de tourner d’un marché de vendeurs à un marché d'acheteurs. Il faut écouler tous les condos construits et les institutions financières ont serré la vis. Selon certaines revues spécialisées, le marché de l'immobilier est surévalué, mais je prévois un soft landing.



Les revenus stagnent et le gouvernement québécois a reporté le retour à l'équilibre budgétaire. Est-ce grave ?



Je suis très d'accord avec la décision du ministre Nicolas Marceau. Étant donné l'état précaire de l'économie, ce n'était pas le temps de couper un milliard de dollars. Je ne suis donc pas surpris du report sur un an ou deux. Cependant, ils devront travailler fort pour y parvenir, en raison de la structure démographique du Québec et de son manque de gain de productivité. L'inflation, il n'y en a pas du tout, donc les recettes ne rentrent pas, alors que les dépenses, notamment en santé, qui accaparent 40 % du budget, ne cessent de croître.



Avez-vous une solution pour hausser les revenus du gouvernement ?



Je suggère une concertation entre les entrepreneurs, les syndicats et le gouvernement pour augmenter le taux de participation au marché du travail des gens de 55 à 70 ans. Si elles travaillent, les têtes grises paient de l'impôt et dépensent plus. En 12 ans, au Québec, le taux de participation des femmes est passé de 70 à 80 %, alors qu'en Ontario, il est demeuré à 76 %. Il faut faire la même chose avec les « séniors », qui sont souvent la mémoire d’entreprise et peuvent faire du coaching. Est-ce à cause des conventions collectives ? Du régime fiscal ? Des pensions ? Du manque de flexibilité des employeurs ? Je suis un peu inquiet si, d'ici 8 à 10 ans, on ne retourne pas ces pierres-là.



Vous avez été ministre. Êtes-vous très préoccupé par la dette du Québec ?



Notons qu'il n'y a pas eu de décote de la part des agences. La dette est élevée et préoccupante, mais je ne dirais pas qu'on s'en va dans un mur. Nous ne pouvons compter sur les ressources naturelles, comme l'Ouest, et rappelons que les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas en 50 ans. C'est un gros chantier qui demande du courage politique pour regarder toutes les options.



La région de Québec semble être à l'abri des soubresauts de l'économie. Est-ce que ça peut durer ?



Québec est un cas intéressant. Ici, on n'a pas connu la récession. C'est attribuable, notamment, à la concertation du milieu des affaires, avec la Chambre de commerce, Québec International – nous avons presque un guichet unique –, et au dynamisme du maire. Surtout, c'est dû au rayonnement de l'Université Laval, qui a tissé des liens serrés avec les entrepreneurs, ce qui a entraîné des percées technologiques. L'Université Laval est au centre de cet écosystème. La présence de la fonction publique ne peut expliquer à elle seule ce succès de la ville, car, depuis 10 ans, ce secteur n'a pas progressé. Dans le secteur des assurances, nous représentons 10 000 emplois bien rémunérés et stables. La pénurie de main-d'oeuvre, pour moi, ce n'est pas un problème, mais un défi. Bien des villes en Europe préféreraient ce problème à un taux de chômage à 25 %.



 





Entretien avec Robert Hogue, économiste principal chez RBC.





L’année 2013 en a été une de faible croissance. À quoi doit-on s'attendre en 2014 ?



L’année 2014 va ressembler à 2013 avec une amélioration de la conjoncture, mais la croissance de l'économie sera modeste. On prévoit 2,6 % de croissance au Canada (1,7 % l'an dernier); quant au Québec, il sera sous la moyenne nationale à 1,8 % (contre 1,1 % cette année). Le Canada est entraîné par l'économie de l'Ouest, alors que le Centre et l'Est demeurent à la traîne. L'Alberta est toujours en plein boom économique en matière d'emploi et de croissance de la population. Aux États-Unis, les secteurs comme l'automobile et l'habitation ont repris rapidement et de beaucoup, ce qui va améliorer nos exportations. Ce n'est pas fini : on anticipe une croissance de 3 %, en 2015, chez nos voisins.



Comment va s'en tirer la région de Québec ?



Nous n'avons pas le luxe de faire des prévisions par région. Québec est passée à travers la récession sans être ralentie, mais on ne peut pas toujours être en expansion. On constate que le secteur de l'habitation a connu un refroidissement assez marqué avec la baisse des mises en chantier, et la confiance est moins forte. Le secteur public demeure important à Québec et les restrictions budgétaires du gouvernement auront des conséquences.



Le gouvernement québécois a raté sa cible budgétaire. Doit-on s'inquiéter de la santé financière du Québec ?



Le Québec prévoyait 1,5 % de croissance, mais a fait 0,9 %, ce n'est pas si dramatique que ça. En ce qui concerne le plan de retour à l'équilibre, il était plus ambitieux, plus musclé que dans les autres provinces. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce que l'économie nous sorte du pétrin. Au point de départ, le problème du Québec, c'est que la dette est trop élevée, héritage de plusieurs décennies, ce qui limite la marge de manœuvre. La seule chose qui peut avoir de l'effet, c'est de limiter les dépenses.



Québec répète avoir contenu le rythme d'augmentation des dépenses. Faut-il aller plus loin ?



Sans faire des coupes sauvages, il faut repenser les façons de faire, revoir certains programmes. On est rendu à l'os et les décisions les plus faciles ont été prises. La dure réalité, c'est que ce n'est pas l'économie qui va faire en sorte que Québec va boucler son budget. Des décisions politiques devront être prises.



Est-il encore possible d'augmenter les revenus en misant sur les taxes et les impôts ?



Le Québec a haussé la TVQ de 2 %. Il faut voir que le plafond a été atteint, puisque les Québécois n'ont pas dépensé autant. La taxation devrait être le dernier recours absolu. Il faudra prendre de dures décisions.



Une agence de cotation (Fitch) a mis le Québec sous surveillance. Les contribuables devraient-ils s'alarmer ?



La dette est élevée et il n'y a pas de marge de manœuvre. Il est donc logique que les créanciers posent des questions; on ne peut l'ignorer, c'est la cote de solvabilité. Les autres agences n'ont rien changé. Sans faire de comparaison, ce qui s'est produit en Europe et aux États-Unis doit nous servir d'exemple, mais on ne doit pas en arriver là, on doit s'assurer d'être solvables.



 





 



 


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