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Le vivace sanctuaire Notre-Dame de Rocamadour

7 septembre 2016 | Jean-Marie Lebel, historien

Le vivace sanctuaire Notre-Dame de Rocamadour

En ce samedi 10 septembre 2016, comme le veut une vieille coutume, une procession aux flambeaux parcourra quelques rues du quartier Limoilou de Québec. Et, une fois de plus, on commémorera ainsi le vœu que Jacques Cartier fit à Notre-Dame de Rocamadour en 1536, soit il y a 480 ans. Décidément, on a la mémoire longue dans le quartier Limoilou. Il y a dans tout cela quelque chose de remarquable et d’émouvant.



Le vœu de Cartier



Dans ce quartier, sur la 4e Avenue, l’église Saint-Fidèle abrite le sanctuaire Notre-Dame de Rocamadour. Apposé sur un mur intérieur de cette église, un grand tableau historique du peintre Antonio Masselotte reconstitue l’événement qui se déroula en 1536, pas très loin de cette église, sur le site de l’actuel lieu historique national Cartier-Brébeuf (communément appelé « parc Cartier-Brébeuf »). On y aperçoit Jacques Cartier et des membres de son équipage cheminer en procession pour se rendre à un arbre sur le tronc duquel avait été placée une image de Notre-Dame de Rocamadour.





Le curé Julien Guillot et la belle statue de Notre-Dame de Rocamadour sculptée par Jean Bailleul en 1920.  Église Saint-Fidèle, 10 août 2016.





L’hiver de 1536 était impitoyable. Une épidémie de scorbut avait éclaté. Cartier avait déjà vu mourir 25 de ses hommes, et presque tous les autres étaient atteints du mal. Le chroniqueur de l’expédition écrit au sujet de cette procession : « Devant la dicte ymage, se feist le capitaine pèlerin à Notre-Dame de Roquemadou, promettant y aller si Dieu luy donnoit grâce de retourner en France ». Peu de temps après la procession, un jeune Iroquoien enseigna à Cartier la recette de l’« annedda ». Cette infusion ou tisane sauva le reste de l’équipage.



À son retour en France, Cartier, citoyen de Saint-Malo, se rendit dans sa Bretagne natale, au populaire lieu de pèlerinage de Caramet-sur-Mer où l’on priait Notre-Dame de Rocamadour, une dévotion amenée de Roc-Amadour, un très ancien sanctuaire du sud de la France (à Québec, on a pris coutume d’écrire « Rocamadour »).





Au lieu historique national Cartier-Brébeuf, une croix rappelle la croix plantée en 1536. 





 



La fondation d’un sanctuaire



Faisons un grand bond vers l’avant. En 1889, Narcisse-Eutrope Dionne fut le premier à publier une importante biographie de Cartier. Il fut aussi le premier à souhaiter publiquement la construction d’une chapelle à Québec pour commémorer le vœu de Cartier. Pour que le souhait de Dionne puisse se concrétiser, il fallut attendre l’arrivée dans le quartier Limoilou de l’abbé Alexandre-Albert Godbout qui devint, en 1914, le curé-fondateur de la paroisse Saint-François-d’Assise. On lui fit part du souhait de Dionne. Dans le quadrilatère où il voulait construire son église, donnant sur la 1re Avenue, le curé voyait des gens prier auprès d’un très vieil arbre remontant, croyait-on, au temps de Jacques Cartier.



En 1919, le curé dédia donc à Notre-Dame de Rocamadour la crypte complétée de sa grande église Saint-François d’Assise, alors en construction. C’est la fondation du sanctuaire canadien de Notre-Dame de Rocamadour. Et, la même année, le samedi le plus rapproché de la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge (soit le deuxième samedi de septembre), il organisa la première procession rappelant le vœu. Depuis lors, c’est toujours le deuxième samedi de septembre que se déroule la grande procession annuelle.





Devant l’église Saint-Fidèle, la statue de bronze de Notre-Dame de Rocamadour du sculpteur Henri Angers, 1929.





Le sanctuaire du curé Godbout devint de plus en plus populaire. Le 14 juillet 1921, on vit une procession de 3 000 personnes quitter le carré Jacques-Cartier du quartier Saint-Roch et se rendre au sanctuaire de la 1re Avenue pour réclamer de la pluie. Le lendemain matin, leur vœu fut exaucé. Durant 30 ans, le curé Godbout investit temps et argent dans son sanctuaire. En 1949, ce fut de la fenêtre de sa chambre de malade à l’Hôpital Saint-François-d’Assise qu’il observa la procession annuelle. Il mourut peu de temps après.



La renaissance d’un sanctuaire



Avec les années 1960 et 1970 et le déclin de la pratique religieuse, le sanctuaire sombra peu à peu dans l’oubli. En 1982, le sanctuaire reprit vie grâce à la détermination de madame Jacqueline Fradet. La crypte fut rouverte aux pèlerins et la récitation du chapelet quotidien y reprit. En 1993, le sanctuaire quitta la crypte de l’église Saint-François d’Assise pour s’installer dans la partie haute de l’église. Le nom de Notre-Dame de Rocamadour se popularisa quand il fut donné en 1998 à la nouvelle grande paroisse qui regroupait les cinq anciennes paroisses du Vieux-Limoilou et de Stadacona.



Toutefois, cette fusion impliquait des fermetures d’églises. Lors de la fermeture de l’église Saint-François d’Assise, le sanctuaire fut déménagé à l’église Saint-Fidèle. L’actuel curé de la grande paroisse Notre-Dame de Rocamadour, l’abbé Julien Guillot, est bien déterminé à mettre en valeur le sanctuaire et à perpétuer la procession annuelle. Et la mémoire du sanctuaire ne se perdra pas. Dans une pièce du presbytère Saint-Albert, la Fondation Notre-Dame de Rocamadour conserve souvenirs et archives. Madame Denise Robitaille, 86 ans, qui a bien voulu nous en ouvrir les portes, nous en a raconté la longue histoire d’espérance et de persévérance.



PHOTOS : DANIEL ABEL



 



 


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