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20e de PRESTIGE – 20 clefs pour mieux comprendre le Vieux-Québec

2 mai 2016 | Jean-Marie Lebel, historien

20e de PRESTIGE – 20 clefs pour mieux comprendre le Vieux-Québec

Mieux on comprend notre Vieux-Québec, plus on l’apprécie. À l’occasion du 20e anniversaire du magazine PRESTIGE, nous sommes heureux de vous offrir 20 clefs qui vous permettront de découvrir ou redécouvrir bien des aspects de notre si précieux Vieux-Québec.



1. ON NE DÉCOUVRE QU’AVEC LES PIEDS

C’est la première clef et c’est la plus importante du trousseau : c’est à pied qu’il faut parcourir les rues du Vieux-Québec, en prenant le temps de lire les plaques historiques (une bonne partie de l’histoire du Vieux-Québec nous est ainsi livrée). Les jours de semaine, on a l’occasion d’y rencontrer et d’y voir vivre les citoyens du Vieux-Québec. Il y a bien des rues à découvrir au-delà des rues Saint-Jean et Saint-Louis. Il faut marcher dans la rue de la Ménagerie, la rue Christie, la rue Hamel, la chaussée des Écossais, l’impasse Webster, la rue De Brébeuf…

 



2. LE PLUS BEAU CÔTÉ DU VIEUX-QUÉBEC



Il est vrai que la plus belle façon d’apercevoir le Vieux-Québec pour une première fois est d’arriver par le fleuve… On comprend pourquoi le fondateur Samuel de Champlain avait choisi le site : on pouvait défendre la ville en construisant une forteresse sur le cap. Et on y voit le Vieux-Québec tel que le conçut le gouverneur Montmagny à partir de 1636 : les maisons et les commerces aux abords du fleuve, les institutions religieuses, scolaires, hospitalières et administratives sur le cap. Le Château Frontenac a ajouté la féerie en 1893.





Au bas de la rue Sainte-Famille, la porte Hope (1786-1873)





3. LE VIEUX-QUÉBEC S’EST MIS BEAU FACE AU FLEUVE



Dans le haut de la côte de la Montagne, le grand édifice du bureau de poste et celui du palais épiscopal ont tous deux de majestueuses façades du côté du fleuve. En s’approchant, on se rend compte que ce n’est que du trompe-l’œil. Le grand portique néo-classique du bureau de poste n’a même pas de portes ! Les grandes portes du palais épiscopal ne donnent accès qu’à une petite cour intérieure sans issue. Les entrées de ces édifices sont sur les côtés. Les majestueuses façades en trompe-l’œil nous révèlent donc que pendant longtemps le Vieux-Québec fut conçu pour être vu du fleuve.

 



4. ON PEUT REMONTER JUSQU’À L’ÉPOQUE DE CHAMPLAIN

Certes, il ne reste rien de la première habitation que le fondateur Champlain fit construire en 1608. Elle était en bois. Toutefois, et cela est fort intéressant, il reste des vestiges des fondations en pierre de la seconde habitation de Champlain, construite en 1624. Devant l’église Notre-Dame-des-Victoires, un tracé empierré indique l’emplacement d’une tourelle et d’une partie des murailles de cette seconde habitation. De plus, sous la terrasse Dufferin, on peut voir durant la saison estivale une partie des fondations de la maison où mourut Champlain en 1635.

 



5. NE PAS PERDRE LE NORD !

Il n’est pas toujours facile de s’orienter dans le Vieux-Québec. Ce qui vient confondre beaucoup de gens est le fait qu’ils sont persuadés que le Vieux-Lévis est au sud du Vieux-Québec, alors qu’il est à l’est. Pour s’orienter correctement, il suffit de se rendre devant l’hôtel de ville de Québec. Au pied du perron de l’entrée principale, sur le parvis, on peut apercevoir une rose des vents. On se rend alors compte que la basilique-cathédrale se trouve à l’est de l’hôtel de ville, tandis que l’hôtel Clarendon est au sud et le magasin Simons, au nord.

 



6. DES CATHÉDRALES TOURNÉES VERS JÉRUSALEM

Les cathédrales catholique et anglicane du Vieux-Québec font toutes deux dos au fleuve. Et comment se fait-il que la façade principale de la cathédrale anglicane, qui aurait bien pu donner sur la prestigieuse place d’Armes, donne sur la petite rue des Jardins ? Tout cela s’explique par le fait que nos deux cathédrales respectent une tradition millénaire qui voulait que les cathédrales chrétiennes, et bien des églises paroissiales, fussent tournées vers Jérusalem et la Terre sainte. C’est ainsi que, à leurs autels, les prêtres célébraient dans les cathédrales de Québec tournés vers l’est — vers l’Orient, vers la Terre sainte. Remarquons que de vieilles églises paroissiales de Québec, d'avant 1900, sont aussi tournées vers la Terre sainte : Saint-Roch, Saint-Sauveur, Saint-Jean-Baptiste…

 



7. LA MAISON DE LA PREMIÈRE FAMILLE

C’est en 1617 que l’on construisit une première maison sur le cap. C’était pour la famille de Louis Hébert et de Marie Rollet. On connaît l’emplacement exact de cette maison. Il suffit de se rendre dans la « cour des petits » du Petit Séminaire de Québec où, sur les pavés, un rectangle nous indique où elle se trouvait.

 





Dans la côte du Palais, la porte du Palais (1831-1873)





8. UNE POPULATION RENOUVELÉE

Depuis 1608 jusqu’à nos jours, et cela, sans interruption, le Vieux-Québec a été habité. Toutefois, il y a de nos jours très peu de familles qui y vivent depuis plusieurs générations. Cela s’explique par le fait que le Vieux-Québec connut un important déclin dans les années 1950, 1960 et 1970, et que bien des vieilles familles le quittèrent alors. Les citoyens actuels du Vieux-Québec s’y sont établis dans les années 1980, 1990 et 2000. Sur le socle du monument de Louis Hébert, dans le parc Montmorency, sont inscrits les noms de plusieurs des premiers habitants.

 



9. UN VIEUX-QUÉBEC VIEUX-QUÉBÉCOIS

Par leurs architectures, certaines rues du Vieux-Québec sont d’esprit français, d’autres d’esprit britannique, ou d’autres encore, d’esprit américain. Mais la plupart sont d’abord et avant tout d’esprit vieux-québécois. C’est qu’il y a eu dès le XVIIe siècle des adaptations au climat, aux matériaux disponibles, et cela s’est fait selon les provenances et les savoir-faire des artisans. Puis, il y eut tous les phénomènes d’emprunt et de mimétisme. Et se sont répandues des formes de portails, de fenêtres, de corniches, de lucarnes… C’est ainsi que prit forme un Vieux-Québec unique, différent du Vieux-Montréal ou du vieux Boston.

 



10. UN VIEUX-QUÉBEC MOINS VIEUX QU’IL EN A L’AIR

On a volontairement vieilli le Vieux-Québec pour le rendre plus pittoresque et plus attrayant pour les touristes. Ce mouvement « historicisant » débuta à la fin des années 1870, par la construction de l’actuelle porte Saint-Louis. Le gouverneur général Dufferin et son architecte lui donnèrent une allure médiévale. Ce qui était un brin absurde, car Québec n’existait même pas à l’époque du Moyen-Âge. Mais l’élan était donné. Et on construisit par la suite un Manège militaire médiéval, un hôtel du Parlement de la Renaissance, un Château Frontenac et une gare du Palais inspirés des châteaux de la Loire. Ainsi de suite… De quoi émerveiller et confondre les touristes, et bien des citoyens de Québec.

 



11. DES RUES FIGÉES DANS DES ÈRES DIVERSES

On ne peut pas dire d’une façon globale que le Vieux-Québec a une allure 1700, ou 1800, ou 1900. Tout dépend des rues. Par leurs architectures, elles se sont « figées dans le temps » à des époques différentes. Cela rend le Vieux-Québec encore plus intéressant. La place Royale a son aspect de la fin de la Nouvelle-France. Les rues Saint-Louis et Sainte-Ursule ont conservé leurs aspects du milieu du  XIXe siècle. Avec ses vieux édifices bancaires, la rue Saint-Pierre a encore son aspect du début du XXe siècle. Ainsi de suite, d’une rue à l’autre, diverses époques du Vieux-Québec surgissent devant nos yeux.

 





La porte Saint-Jean (1867-1897) vue de l’intérieur du Vieux-Québec





12. IL FAUT MARCHER SUR LES REMPARTS DES FRANÇAIS

Les gens de Québec sont tellement habitués de voir les remparts que, souvent, ils n’y portent plus attention. Pour bien saisir l’ampleur des travaux que firent les autorités françaises pour défendre Québec, il faut monter sur les remparts. Parcourez ainsi la distance qui sépare la porte Saint-Jean de la porte Saint-Louis. Vous verrez l’importance de ce système défensif.

 



13. L’EMPLACEMENT DU FAUTEUIL DE PAPINEAU

Avec ses canons et monuments, le parc Montmorency domine la côte de la Montagne. Il est difficile de croire que, dans ce parc relativement petit, s’élevaient les édifices parlementaires du Bas-Canada, du Canada-Uni et de la province de Québec de 1792 à 1883. Et c’étaient des édifices d’assez bonnes dimensions. Pour en avoir la preuve, il suffit de marcher dans le parc et de porter attention aux diverses indications et marques faites au sol par Parcs Canada. Le vieux Parlement surgit sous nos pieds. Un fauteuil métallique indique même l’emplacement du fauteuil qu’occupait le grand Louis-Joseph Papineau à l’époque où il était président de la Chambre d’assemblée.

 



14. DES QUARTS ET DES DEMIES VIEUX-QUÉBÉCOIS

Si l’on fait exception des maisons de la rue Saint-Jean, la plupart des maisons du Vieux-Québec ont des numéros civiques qui leur ont été attribués dans la seconde moitié du XIXe siècle. Des portes s’étant ajoutées, on a attribué avec le temps des numéros avec des quarts, demies et trois quarts. Voilà qui fait le pittoresque de bien des adresses du Vieux-Québec. Et il y a plusieurs curiosités. Ainsi, René Lévesque résidait au 91 bis, rue D’Auteuil. Et sur la rue Ferland, une maison a le 0 (zéro) comme numéro civique !

 



15. DES PASSERELLES AU-DESSUS DE LA RUE SOUS-LE-CAP

L’étroite rue Sous-le-Cap qui longe le pied du cap du Sault-au-Matelot, à l’arrière de la rue Saint-Paul, ne manque pas d’intriguer avec ses passerelles au-dessus de la voie publique. Et ses citoyens ont un « droit acquis » : ils peuvent reconstruire leurs passerelles. C’est depuis l’époque de la Nouvelle-France qu’on y trouve des passerelles. À l’époque, l’estuaire de la rivière Saint-Charles était beaucoup plus large qu’aujourd’hui. À marée haute, l’eau couvrait l’emplacement actuel de la rue Saint-Paul. Les habitants de la rue Sous-le-Cap ne pouvant pas construire leurs hangars à l’arrière de leurs maisons, ils adossèrent leurs hangars au cap. Et, au-dessus de la voie publique, ils relièrent leurs maisons à leurs hangars par des passerelles.  

 



16. DES MAISONS TRANCHÉES COMME DES GÂTEAUX

Depuis le début des années 1800, la rue Saint-Jean est une importante rue commerciale. Elle devint de plus en plus encombrée, et il fut décidé de l’élargir. Au lieu de démolir des maisons, les autorités municipales préférèrent enlever une tranche à chacune des maisons du côté sud de la rue. Ce qui fut fait en 1889-90. Les maisons tranchées furent dotées de nouvelles façades, différentes de l’une à l’autre. Vous remarquerez en traversant la porte Saint-Jean la curieuse position de la cheminée sur le toit de la première maison. Et cela est dû au fait que cette maison a été soudainement raccourcie.



La porte Saint-Jean (1867-1897) vue à partir du faubourg Saint-Jean





17. CE N’EST PAS CHAMPLAIN QUI EST PETIT

Comment a-t-on pu passer d’une petite rue Champlain à un petit Champlain ? C’est une curieuse histoire. Au XIXe siècle, il y avait la longue rue Champlain (qui existe encore dans le secteur du Cap-Blanc) et la petite rue Champlain (qui est devenue la rue du Petit-Champlain). Il fut toutefois une époque où les panneaux de noms de rue n’étaient qu’en anglais. C’est ainsi que la rue Saint-Pierre devint la St. Peter Street, et la petite rue Champlain devint la Little Champlain Street. Et cette Little Champlain Street fut incorrectement traduite plus tard en rue du Petit-Champlain.

 



18. POUR QUI DONC ONT ÉTÉ FAITS CERTAINS TROTTOIRS ?

Les rues étroites du Vieux-Québec ne manquent pas de trottoirs. Mais, dans certaines rues, les piétons préfèrent marcher dans la rue. Vous remarquerez que, dans l’étroite rue Christie qui monte de la rue Couillard à la rue Garneau et qui est si étroite qu’il n’y a qu’une voie pour les automobiles, il y a pourtant des trottoirs de chaque côté de la rue. Mais ces trottoirs sont si peu larges que les gens préfèrent marcher dans la rue. Ont-ils été faits pour les chats ?

 



19. LA PONCTUALITÉ EST LA POLITESSE DES VIEUX-QUÉBÉCOIS

On peut vivre sans montre dans le Vieux-Québec. Chaque midi, du haut de la citadelle, un coup de canon pourfend l’air. L’angélus est sonné à midi et à dix-huit heures au clocher de la basilique-cathédrale. Au beffroi de l’hôtel de ville, un coup est sonné à chaque heure; à la tour de l’hôtel du Parlement, des coups sonnent les heures. Les horloges extérieures du dôme du bureau de poste, du beffroi de l’hôtel de ville, de la place d’Youville et de la tour de l’hôtel du Parlement donnent l’heure juste. Méfiez-vous du cadran solaire du Petit Séminaire de Québec : il ne connaît pas l’heure avancée. Quant à l’horloge du Jura des jardins de l’hôtel de ville, elle gagne peu à peu ses galons. La confiance, cela se mérite avec le temps.

 



20. LE VIEUX-QUÉBEC EST DAVANTAGE QUE LE VIEUX-QUÉBEC                            



Le Vieux-Québec a pris une grande valeur symbolique, surtout depuis les années 1960. On le présente comme le berceau de la présence française en Amérique. Ce qui explique les sommes importantes que le gouvernement du Québec a investies dans la restauration du secteur de Place-Royale. C’est aussi pourquoi on y a installé le Centre de la francophonie des Amériques en 2008. Et le Vieux-Québec sera un maillon important du nouveau Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique actuellement en élaboration. Un lieu de mémoire appartient à tous ceux qui y trouvent des enracinements ou des inspirations.



SOURCES DES ILLUSTRATIONS : Cartes stéréoscopiques vendues aux touristes, années 1870 et 1880. Collection de l’auteur.


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